DEJOUER LES NORMES, NEGOCIER PAR CORPS : ENGAGEMENTS CORPORELS ET PRODUCTIONS NORMATIVES

Université Rennes 2, 29 & 30 avril 2025

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        Ce colloque présente la particularité de poursuivre des objectifs avant tout d'ordre théorique dans le champ des sciences sociales appliquées au corps et au sport. En particulier nous cherchons, au travers des différents travaux, empiriques et originaux, à mieux appréhender comment l'engagement corporel est susceptible de négocier, contester, subvertir les normes dominantes en vigueur, notamment à travers les pratiques sportives, artistiques et plus largement corporelles. 

Historiquement, les travaux en sociologie ont permis d'étudier finement la dimension corporelle de la normalisation et des rapports de domination afin d'en dévoiler les sources cachées sans toujours mettre en évidence les mouvements de changement, de contestation ou même de révolte. Le plus souvent, les pratiques sportives et corporelles constituent ainsi un espace d'incorporation et de somatisation d'un ordre social dominant. Pour autant, la réception et l'appropriation de ces normes ne s'opèrent jamais de manière homogène. Certains travaux sociologiques admettent une logique plus dynamique en examinant les possibilités de mise à distance des normes ou de leurs subversions dont il convient toutefois de cerner leurs coûts, limites et ambiguïtés. Si le corps est souvent appréhendé comme dépositaire de ces normes, de plus en plus de travaux sociologiques observent aussi en lui et par lui, des processus de négociation, de contestation voire de renversement ou de subversion de celles-ci. On constate que ces questions n'occupent que rarement une place centrale dans les recherches, ou sont souvent abordées sans faire l'objet d'un intérêt théorique explicite ou approfondi. Il semble ainsi novateur de mener une réflexion théorique portant précisément sur ces questions à partir de travaux empiriques variés.

Partant, trois axes nous intéressent particulièrement :

    (1) Définir et qualifier les formes de négociation par corps. Ce premier axe souhaite aborder les différentes manières d'analyser les engagements corporels qui tendent à négocier les normes dominantes et plurielles rencontrées. Envisagée à la fois pour faire évoluer un système normatif mais aussi pour questionner, enrayer voire renverser un ordre établi dominant, la pluralité des négociations par corps nécessite d'en délimiter les propriétés principales à partir desquelles elles peuvent être appréhendées, sans oublier de préciser de qui elles émanent. Souvent appréhendées de la même manière, un premier enjeu peut être d'en distinguer les différentes logiques : s'agit-il de mise à distance, de contestation, de subversion ou d'une simple émission d'une définition de soi en décalage avec celle de l'institution lorsque négocier explicitement n'est pas toujours permis, ou bien nécessite d'être doté·e de ressources et de dispositions particulières et inégalement distribuées dans l'espace social ?

    (2) Analyser les ressorts de la négociation des normes par corps ainsi que les espaces sociaux dans lesquels elle se déploie. En confrontant plusieurs terrains, les communications pourront ici être amenées à traiter les questions suivantes : en fonction de leurs propriétés sociales envisagées dans un sens large (classe sociale, genre, origines migratoires, race, âge, etc.) mais aussi de l'épaisseur dispositionnelle façonnée au gré des expériences socialisatrices antérieures et « en cours », quel·les sont les individu·es qui parviennent à adopter, volontairement ou non, ces formes de négociation par corps d'un ordre social dominant ? Quels ressorts se cachent derrière ces dernières, d'où émergent-ils et comment s'activent/ s'inhibent-ils ? Quels contextes et configurations sociales déclenchent ces formes de négociations par le corps ? 

    (3) Sonder les effets sociaux des formes corporelles de négociation des normes. Les communications de ce dernier axe chercheront à continuer de creuser le sillon des effets que produisent ces formes de négociation par le biais d'engagements corporels multiples : quels changements observe-t-on à l'échelle des socialisations individuelles et collectives ? Comment sont-elles perçues par celles et ceux qui y sont confronté·es ? De nouvelles normes ou catégorisations se diffusent-elles à plus large échelle ou restent-elles confinées à certains contextes ? Participent-elles par exemple à des évolutions politiques ou institutionnelles ?

Pour finir et de manière transversale aux trois axes développés, le questionnement des méthodes aussi bien qualitatives (à travers divers types d'entretiens et en sondant les parcours de vie pour définir la sociogenèse des formes corporelles de négociation, leurs effets dans plusieurs temporalités mais aussi de manière synchronique dans plusieurs contextes de vie) que quantitatives (afin de mettre en évidence certaines régularités), structurera cette journée d'étude en filigrane afin de mieux parvenir à « attraper » les formes de négociation sur les terrains d'enquête. Un des enjeux de ces journées d'étude sera donc aussi de discuter des dispositifs méthodologiques mis en place au regard des terrains dans lesquels ils se déploient et des questions de recherche qui sont posées. Des panels de trois ou quatre communications seront constitués à partir de ces axes-là et seront discutés par des invité·es extérieur·es spécialisé·es sur ces questions.